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Préface.
En regardant en arrière, en dehors d'un torticolis on comprend le pourquoi et le comment du moment présent. | |
Les souvenirs et les émotions s'imbriquent pour libérer une image, celle de la personne que l'on est, maintenant. J'ai commencé à écrire à l'adolescence, comme beaucoup. Et puis mon amour habitant à 500 kilomètres, les petites lettres sont devenues pavés, les délires des nouvelles, et les brefs cris d'amour de petits poèmes. La construction, le suivi de style et la cohérence n'étaient pas l'ordre du jour. Mais une corde avait été révélée : lorsqu'un état d'âme est atteint, il faut que je l'écrive. Cela me permet de lâcher ce que j'ai enfoui, une dépression autant qu'un grand moment de bonheur pas assez partagé. Il m'a donc fallu 10 ans pour réunir quelques textes et poèmes qui seront peut-être sans intérêt pour vous, mais qui sont une radio désordonnée de mon évolution. Voir ces écrits là réunis me procure un petit pic de satisfaction contrôlée. Tout ce que j'espère en vous les livrant, c'est que vous partagerez un peu de ma vie, simplement parce que tout au long de mon existence, un sentiment prédomine : la solitude. Oui c'est égoïste, mais toute expression créative l'est, par définition. | |
Malgré tout ce rassemblement d'écrits nait d'une collaboration. Ces quelques textes ont été écrits par, ou en | |
collaboration avec deux amis : Sandy (l'amour
de 500 km) et Bernard. Elle, elle ne semble plus écrire comme ça, pour
elle. Toute sa vie transpire aujourd'hui la créativité, à tel point qu'elle
n'a plus besoin de support pour se partager. Et ça tombe bien car c'est
comme ça que je l'aime le plus, ou en fait d'une manière plus durable,
moins extrême. En vieillissant on prend aussi moins de risques.
Notre univers n'est plus séparé selon ces grands principes de la religion,
mais suivant les nôtres, ceux de chaque être humain à part entière, c'est
à dire le soi et l'autre. Alors pour me présenter un peu plus profondément
je vais vous fart d'une lettre écrite la semaine dernière par courrier
électronique et qui résume assez bien ce que je suis, avec mes quelques
qualités, mes défauts, la complexité maladive de mon esprit (si tant est
que j'en ais un) et mon goût pour l'écriture (à ne pas confondre avec
la littérature qui en est de l'art). C'est d'ailleurs ce que je trouve
intéressant dans l'art, c'est qu'on ne peux et ne doit jamais savoir où
se place la frontière entre l'artisanat et l'art. J'entendais hier à la
radio une artiste qui défendait une photo. Celle d'un champ au printemps
où l'on avait dessiné des formes dans les blés en tassant la nature à
certains endroits. Un troupeau de vaches en aurait fait autant disait
une voix dans le public. Où s'arrête et où commence l'art ? L'œuvre est-elle
un but, un objet à exposer au public, ou bien un terrain d'expérimentations,
d'expériences artisanales mêlées par l'expression humaine ? Je pense que
l'art ne tient pas dans l'expression de la recherche mais dans la recherche
de l'expression. Évidemment cet avis est absolument personnel et propre
à chacun. L'art ne peut être qu'universel, autant qu'il est subjectif.
Il est en chacun, et en chacun il est fondamentalement différent, parce
que l'art est un vrai reflet de la vie. Ici suit une première lettre de A. à laquelle je réponds ci-après. Subject : De solitaire à solitaire… Hum, hum...As tu remarqué que nous passons le stade de se raconter notre
vie de tous les jours, tous les jours. J'aime beaucoup. Enfin parler avec
quelqu'un des riens qui dérangent. À moi de coucher ma soirée. J'espère que rien ne te choqueras dans mon
histoire ou que ça ne donnera pas un jugement négatif, on a toujours des
raisons d'agir de telle ou telle façon. Et puis si je commence à te raconter
des choses que tu estimes choquantes, dis-le moi et j'abandonnerai ces
sujets. Je me suis vraiment lâchée là, et je me demande comment tu vas réagir. Je te fais tout de même confiance pour garder ça en dehors du cercle de nos amis. Je t'embrasse.
Je ne suis pas choqué, non. Je ne trouve pas cela vraiment dégueulasse ou malsain. Bien sûr ce n'est pas tout à fait en accord avec les traditions puritaines de certains prétendants à la saine pensée (qui forge leurs actes). Les mêmes qui lisent ELLE et regardent Columbo en trouvant ça normal, cultivant, voire pleinement utile, et n'y voient rien de 'non-ordinaire'. Mais je crois que notre ordinaire (excès de droite et de gauche qui les choqueraient) a besoin de telles errances pour laisser l'esprit en paix. Lui aussi a besoin de vacances car ce n'est pas tous les jours facile de se méfier de soi-même ('Mes amis disent que c'est MOI mon pire ennemi' Mano Solo) pour mieux se rapprocher des autres. Et c'est peut-être là qu'est à la fois notre erreur et notre recul. Comment se concentrer lorsque les huîtres hurlent au plagia ? Quel bruit, quel vacarme, on crie au scandale : comment oses-tu baiser alors que tu devrais faire l'amour, comment oses-tu profiter de l'envie d'autrui, du vice, des aspirations animales alors que nous sommes des êtres humains ? Et bien simplement parce que l'homme est aussi un animal mon cher Charles, parce que l'être humain mange, vit, danse, court en sachant aussi y prendre du plaisir. L'idéalisme humain préférerait que l'on cède à l'envie par nature et non par besoin, mais nous ne sommes ni équilibrés ni déséquilibrés. Toi et moi et bien d'autres nageons dans cet océan trouble ou le pire danger n'est pas de se noyer mais de s'échouer sur une plage, quelle qu'elle soit. On rêve de plages de sable fin, de palmiers, de cascades, de falaises ou encore de grottes. On y voit toujours un peu de soleil et au loin la verdure. Et puis ? Quelle rencontre pourrait-on y faire si l'île est déserte, si comme Gulliver on n'y rencontre que mécréants minus ou géants ? L'océan est un monde vide du dehors, richement peuplé à l'intérieur, comme toi, comme moi. Mais le signe de Caïn est inscrit au fond des mers comme sur ton front. Un regard, une parole, une impression suffit parfois à voir ce que Columbo serait incapable de palper. Chacun son rôle et son scénario, le notre n'est pas infaillible, mais il n'a pas besoin de producteur non plus. Nous en sommes les seuls producteurs, les seuls acteurs. C'est là qu'est le malaise, c'est là qu'on entend les cris de la foule ahurissante. On lui répondra le jour du procès : on est bien seul. Et la foule y verra encore une fois la plainte du solitaire, celui qu'elle ne comprend pas bien, l'autre, le différent. Alors qu'on est bien, seul. Parce qu'elle ne comprendra jamais que le monde ne s'articule pas autour du bien et du mal mais autour de soi et des autres. Caïn pour moi n'est pas coupable parce qu'il a tué, il n'est pas même égoïste (la première injure qui vient aux lèvres de l'adolescent pré pubère) : il a survécu (tout cela est beaucoup mieux expliqué par H. Hesse). Et c'était son rôle d'être humain, évolution de l'animal. Et si la survie de la femme passe par la section de quelque tête mâle pour atteindre la nécessaire jouissance et bien soit ! L'homme, le mâle sexué, a compris cela bien avant la femme et s'y exerce depuis 6000 ans. C'en est devenu gerbant parce que commun. Quel homme n'a pas baiser pour le plaisir ? Alors comment pourrais-tu choquer ? Tu ne veux plus de cicatrice, mais tu ne refermes pas complètement la dernière qu'on t'ait taillé. Tu es allée voir ailleurs si les femmes entre elles s'arrachaient aussi la tête, mais elles ne se le permettent pas encore ou trop facilement à ton avis. Si tu pensais, vivait, jouissait différemment, peut-être avec encore plus de détachement ou de préliminaires, cette notion ne ferait plus partie de toi. Mais tu es A. et cet instinct t'appartient. Et lorsque tu seras saoul de ne chercher que ta propre jouissance alors tes pinces disparaîtront d'elles mêmes, tu n'auras plus besoin de trancher pour jouir, tu seras sereine, légère. Et ça rien n'a voir avec le bonheur. C'est comme l'argent, ça ne fait que l'intensifier ; il faut déjà l'avoir... C'est sûrement le peu que j'ai d'avance, cette recherche de la sérénité avant celle du bonheur. Et ça ne me convient pas tous les jours, mais bon dieu je vis. J'ai aussi baiser, j'ai aussi aimer, j'ai aussi des cicatrices sur le cou, j'en ai laissées, et je ne m'en veux plus. Je me plains toujours, OK, et je veux faire avec. Mais je bande aussi toujours, et je fais avec. L'éradication du mal, je n'y crois pas. Alors en attendant, comment dire... je crois en moi. Et les autres se dessinent sur la paroi de la caverne, en ombres vivantes. Mais ce seront toujours des reflets de réalité, comme l'art, un langage universel. Je ne peux aller les voir, au risque de me brûler les ailes. De temps en temps je jette un coup d'œil furtif, attendri autant qu'attentionné sur ceux qui en valent la peine, ceux que j'aime le plus. En contrecoup mon corps, mon être me fait ressentir la douleur de l'excès. L'exemple est simple : j'ai trop fait confiance à Marion, et lorsque je l'ai demandé en mariage, certain de notre amour, elle était déjà et souvent dans les bras de l'autre. La douleur est insoutenable n'est-ce pas (*) ? Tu connais bien cette douleur. Il faut bien du temps et d'autres tentatives pour la calmer. Après on en sort heureux (à ne pas confondre avec le bonheur), car même si la plage qu'on retrouve n'est pas ensoleillée, on sent déjà les embruns qui viennent rafraîchir la peau, on va bientôt quitter la terre pour à nouveau naviguer sur les flots de la vie (ça c'est pompeux). Il faudra se ravitailler un jour, c'est sûr, mais ce jour là, celle que j'accompagnerais trouvera les autres hommes et femmes normaux, sympa etc... mais tous ensemble ne pourront lui offrir une once de ce qui n'est ni qualifiable, ni quantifiable et qui pourtant est à la portée de tous. Aurais-je une jour à offrir les chemins de cette chose ? Je ne le crois pas. Alors il faut accepter l'échec d'hier, celui de demain, ce dire qu'on n'est jamais à l'abri, qu'on est jamais parti pour ne pas revenir ; il faut vivre ou survivre selon le temps qu'il fait, c'est la sérénité de la vie, c'est ça qui te fait peur comme à tout le monde (sauf à tous ceux qui ne conçoive pas la vie comme un but infini mais comme une fatalité). C'est ce qui nous oblige à comprendre qu'on est pas sur terre uniquement pour l'Amour de Roméo ou de Juliette, on est aussi là pour offrir à sa descendance (et à bien d'autres d'ailleurs) les portes de la perception, the Doors, vues forcément par nous-mêmes. Qu'il y a des jours où il faut savoir faire abstraction de soi-même, de ses qualités comme de ses défauts pour laisser place à l'autre, à autrui, et c'est aussi un cadeau inestimable. Je ne parle ni de concession, ni de sacrifice, je parle de respect. Et on ne respecte pas plus ou mieux celui ou celle qu'on aime, mais on le respecte humblement, simplement comme tout être humain qu'on est, normalement constitué. Ce respect est d'autant plus simple à entretenir, lorsqu'à deux on a sentit la flamme venir pour mieux l'allumer. (*) pas plus que la légèreté de l'être, mais c'est un autre débat, qui s'articule autour des mêmes sentiments. Fin de la réponse. Fin de la préface dans la préface.
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En conclusion, toi qui me tient serré dans tes petits doigts fermes, n'oublie pas de me considérer comme le recueil | |
que je suis: je ne suis fait ni pour te distraire, ni pour te dégoûter. Et si tu n'aperçois toujours pas ce que j'entends insinuer, va donc becter un morceau. Maintenant si cela t'interpelle, t'intrigue, si tu te rends compte que ce bouquin n'est pas un cadeau mais un plaisir que j'aspire à faire partager, une choucroute que je t'aide à digérer, alors tu débutes un long voyage sur une route étroite, accidentée et sinueuse, parsemée d'objet divers, bibelots, gerbes, femmes pas vraiment fidèles, fleurs, corps, pansements névralgiques… | |
Ce que tu vas lire est un recueil de courtes nouvelles, Short Cuts à la Altman. Certains paragraphes manquent. Ils | |
auraient transformé ce recueil en un petit roman. Bon, alors comme dit le commandant, bon voyage, et prépare les sacs vomitifs. Non pas que le contenu soit à proprement parler sale, mais il aurait effectivement tendance à mettre en lumière que la vie n'est pas un mistral gagnant. Ce serait plutôt un pervers-pépère-bonbon pour séduire les petites filles. Après tout, ce n'est pas vraiment mon rôle de te dire tout ça, je préfère te laisser la liberté de l'opinion, ça devient si rare dans le milieu de l'expression de nos jours. Pour t'aider à te déshabiller je vais emprunter les lettres d'un autre, ceux d'Hermann Hesse dans Demian: "Il n'est point de réalité hors de celle que nous avons en nous. La plupart des hommes ne vivent d'une façon aussi irréelle que parce qu'ils prennent des images extérieures pour la réalité et ne permettent jamais à leur propre monde intérieur de s'exprimer. […]. Sinclair, le chemin de la foule est facile, le nôtre est difficile. Partons maintenant." |